La marche vers l’électrification
Pour les constructeurs européens, les défis que comporte l’électrification à marche forcée du parc de voitures neuves pour atteindre l’objectif de ventes de 100% de véhicules zéro émission (ZEVs) en Europe en 2035 impliquent une feuille de route offensive.
Les principes en sont clairement posés et l’Association des constructeurs européens d’automobiles, présidée en 2024 par le directeur général du Groupe Renault, Luca de Meo, entend bien pousser les gouvernements européens à soutenir un plan industriel ambitieux :
– produire massivement des batteries en Europe avec plus de cinquante projets annoncés de gigafactories ;
– maîtriser les approvisionnements en lithium, cobalt, manganèse… ;
– œuvrer à la rationalisation industrielle grâce à une stratégie de plateformes ;
– promouvoir la maîtrise par les constructeurs d’une filière innovante de moteurs électriques ;
– dynamiser le marché de l’occasion du véhicule électrique ;
– implanter un réseau dense de bornes de recharge rapides.
La reconfiguration du marché mondial de l’automobile est en cours et les constructeurs historiques doivent affronter toute une flottille d’entreprises agiles. L’Europe doit se mobiliser pour y parvenir.
Or, la Cour des comptes européenne, agacée par le manque de transparence des constructeurs et les tactiques dilatoires des États, fait preuve dans son rapport de janvier 20249 de beaucoup de scepticisme sur la capacité de l’UE à respecter l’échéance de 2035. Elle résume les conditions à remplir de façon lapidaire :
« Le principal défi à relever pour atteindre les objectifs de réduction des émissions pour 2030 et au-delà sera de faire en sorte que le particulier se tourne suffisamment vers les véhicules à émission nulle. Il importera tout particulièrement de rendre les véhicules électriques abordables, de mettre en place assez d’infrastructures de recharge et de garantir l’approvisionnement en matières premières nécessaires à la production des batteries ».
Depuis 2015, cette politique est sortie du champ expérimental pour entrer dans une phase active d’industrialisation de masse qui engage des ressources considérables. Il est désormais indispensable pour les industriels européens de réussir cette électrification.
Consolider une industrie automobile compétitive en Europe est un enjeu économique, industriel et politique majeur. Outre les emplois et les gains économiques et fiscaux que produit l’usage de l’automobile en Europe, ce sont aussi 58 milliards d’euros de recherche et de développement qui touchent une gamme complexe de métiers. Les États membres, la Commission et le Parlement en mesurent le caractère critique. L’Europe ne peut accepter de perdre durablement du terrain face à la Chine dont on a vu que la stratégie de développement des véhicules électriques est, avec succès, au cœur de sa stratégie industrielle. L’Europe a les moyens de faire émerger une filière électrique performante, intégrant l’extraction des minerais, la production de batteries et l’assemblage dans une économie circulaire.
Le fait de disposer d’une vision stratégique partagée en Europe est pour beaucoup de constructeurs un atout dans leur stratégie de mutation mondiale. Se posent donc deux nouveaux problèmes pour l’industrie automobile : maîtriser totalement la production d’électricité et son stockage à l’intérieur du véhicule, optimiser la conception du véhicule pour disposer du meilleur compromis entre le poids, la puissance et l’autonomie.